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L’AGRICULTURE, L’INDUSTRIE ET LE COMMERCE

testable ? La fortune alors s’appelait d’un nom remarquable, pecunia, familia pecuniaque (les troupeaux, les esclaves et les troupeaux) : les épargnes personnelles du fils de famille ou de l’esclave allaient son pécule (peculium, avoir en bétail) : la plus ancienne forme d’acquérir la propriété consistait dans la prise de possession manuelle (mancipatio) ; laquelle ne s’entend que des choses mobilières (p. 208) : enfin la contenance du domaine foncier primitif, de l’héritage (heredium, de herus, maître), ne comprenait que 2 jugères (5 ares 4 centiares), l’étendue d’un simple verger et nullement celle d’un domaine arable[1]. Nous ne saurions déterminer d’ailleurs

  1. Comme on conteste d’ordinaire cette assertion, nous laisserons parler les chiffres. Les agronomes de Rome calculent qu’il faut en moyenne 5 boisseaux (modii) de semence par jugère [à 8,75 lit. par boisseau, soit en tout 43,77 lit.], lesquels donneront un rendement du quintuple. D’après cette base, en faisant même abstraction de la maison, de la cour et des jachères, et en considérant l’heredium tout entier comme terre arable et constamment productive, il donnera 56 modii, ou 40 seulement, si l’on déduit la réserve pour semence. Or, Caton compte que chaque esclave adulte, et soumis à un fort travail, consomme 51 boisseaux par an. Par où l’on voit de suite qu’il n’y a pas à se demander si l’heredium pouvait faire vivre une famille. En vain on s’efforcerait d’ébranler ces résultats, en ajoutant au produit de l’heredium tous les autres fruits accessoires de la terre ou du pâturage commun, figues, légumes, lait, viande, etc. Nous savons que les pâturages étaient d’une mince importance chez les Romains, et que les céréales y faisaient la nourriture principale du peuple. On vantera peut-être l’intensité de la culture chez les anciens. Sans nul doute, les paysans d’alors ont su tirer de leurs champs un rendement plus fort que ne l’ont fait les possesseurs des vastes plantations de l’époque impériale (p. 48) ; et nous ajouterons volontiers au total, la récolte des figuiers, les secondes moissons, tout ce qui enfin a pu et dû notablement accroître le produit brut. Encore faudra-t-il toujours rester dans une certaine mesure et ne point oublier que, s’agissant d’une évaluation moyenne et d’une agriculture peu ou point savante, ni conduite à l’aide de grands capitaux, on n’arrivera jamais à combler le déficit énorme, signalé plus haut, par une simple augmentation dans le rendement. — Soutiendra-t-on aussi que même dans les temps historiques, il a été fondé des colonies où les lots assignés ne dépassent pas 2 jugères ? Mais, qu’on le remarque, le seul exemple qu’on cite, celui de Labicum* (de l’an 418 av. J.-C.336), est loin, aux yeux des savants avec qui il vaut la peine de discuter, de se rattacher à une

     * [Dans le Latium, entre Tusculum et Prœneste, non loin d’un bourg appelé aujourd’hui Colonna.]