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L’ART

liens une grande et féconde influence ; nulle part vous ne trouverez chez eux la trace d’une impulsion artistique ou littéraire venue de Cœré ou de Carthage. Les civilisations phéniciennes et étrusques, je ne crains pas de le dire, doivent être classées parmi celles qui n’ont pas donné de fruits ou qui n’en ont porté que de stériles[1]. Il n’en a point été ainsi de la civilisation fécondante des Hellènes. La lyre à sept cordes (fides, de σφίδη, corde à boyau, ou barbitus, de βάρβιτος), n’est pas, comme la flûte, indigène dans le Latium ; elle y a toujours été regardée comme un instrument venu de l’étranger ; et tout prouve l’antiquité de sa naturalisation en Italie, et la mutilation par les Latins de son nom grec, et son emploi dans les cérémonies du culte[2]. Certains

  1. Tite-Live (9, 36) fait un conte quand il dit que « les enfants romains recevaient dans l’ancien temps une éducation à la mode étrusque, comme plus tard ils l’ont reçue à la grecque. » C’est là une assertion démentie par tout le système d’éducation de la jeunesse romaine. Et puis, qu’y aurait-il donc eu à apprendre en Étrurie pour ces enfants ? Y allaient-ils étudier la langue étrusque comme on étudie le français quand on n’est point né en France ? C’est là ce que n’oseraient pas avancer les zélateurs les plus ardents du culte de Tagès ; et ceux-là même qui consultaient les Aruspices, regardaient la science des devins étrusques comme indigne d’eux, ou comme inabordable (O. Müller, Étrusq., 2, 4). La haute opinion qu’avaient de l’Étrurie les archéologues des derniers temps de la République a probablement sa source dans les récits systématiques des anciennes annales, qui par ex., pour rendre possible la conversation légendaire de Mutius Scævola avec Porsenna, lui avaient fait apprendre tout enfant le parler étrusque (Den. d’Halyc., 5, 28. — Plut., Poplicola 17, et encore Den. d’Halyc., 3, 70).
  2. Plusieurs écrivains attestent l’emploi de la lyre dans les cérémonies religieuses (sic. Cic., de orat. 3, 51, 197 ; Tusc., 4, 2, 4. — Denys d’Hal. 7, 72. — Appian., Pun. 66. — V. aussi Orelli, Inscript. 2448 et 1803). — On s’en servait aussi pour accompagner les nénies (Varr., dans Nonius, aux mots nenia et præficæ). Toutefois, les Romains furent toujours malhabiles à en jouer (Scipion, dans Macrob., Saturn., 2, 40. etc.). Lorsqu’en 92 av. J.-C.639 la musique fut interdite en vertu de la loi, « les flûtistes et les chanteurs latins » furent seuls exceptés de la prohibition, et les convives, dans les banquets, ne purent chanter qu’accompagnés par la flûte (Caton, dans Cicéron, Tusc, 1, 2, 3 ; 4, 2, 3. — Varr. dans Nonius, au mot assa voce. — Horac. carm. 4, 15, 30). Quintilien dit, il est vrai, le contraire (Inst. 1, 10, 20) ; mais il a, par méprise, appliqué aux repas privés ce que Cicéron (de orat., 4, 51) n’a dit que des banquets offerts aux dieux.