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LIVRE II, CHAP. I

le patriciat, corporation essentiellement noble, avait attiré à lui le gouvernement de l’État ; et par là, l’exécutif, demeuré exclusivement dans les mains de la noblesse, se subordonnait complètement à la corporation gouvernante des sénateurs. Objectera-t-on qu’il y avait dans le sénat des non nobles en assez grand nombre ? mais, ils n’avaient point l’éligibilité aux fonctions publiques ; ils étaient exclus de toute participation au gouvernement ; et de toute nécessité, ils ne jouaient dans le sénat même qu’un rôle secondaire ; enfin, ils demeuraient dans la dépendance financière de la corporation, en ce qui touche l’usage des pâturages publics. Les consuls patriciens, ayant le droit formel et absolu de réviser et modifier les listes sénatoriales tous les quatre ans, ce droit, sans force à l’encontre de la noblesse, pouvait fort bien s’exercer dans le sens de ses intérêts : tout plébéien qui avait déplu, se voyait tenu à l’écart, ou même renvoyé du sénat. Donc, on est dans le vrai, quand on assigne à la révolution, comme conséquence immédiate, la consolidation définitive de L'opposition plébéienne.la caste noble ; mais toute la vérité n’est point dans ce seul fait. Il a pu arriver qu’aux yeux de la plupart des contemporains, la constitution réformée n’ait d’abord apporté aux plébéiens que les chaînes d’un despotisme plus rigide : pour nous, venus plus tard, elle contient déjà les germes d’une liberté prête à éclore. Le patriciat s’enrichit des dépouilles des chefs du pouvoir ; mais il n’enlève rien au peuple ; et, si ce dernier ne conquit alors qu’un petit nombre de minces privilèges, moins pratiques, moins réels que ceux de la noblesse, et dont pas un citoyen sur mille ne comprenait la portée, peut-être encore les gages de l’avenir étaient-ils là, et là seulement. Auparavant, les simples habitants n’étaient rien : politiquement, les anciens étaient tout : aujourd’hui que les premiers sont entrés dans le peuple actif, les seconds se verront débordés. On était, loin en-