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CARTHAGE

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contredit, que les Tyriens et les Sidoniens avaient fondés le long des côtes de l’Espagne méridionale et de l’Afrique septentrionale. Là, ni le bras du Grand-Roi, ni la dangereuse concurrence des marines grecques ne venaient les atteindre : les indigènes qu’ils y rencontrèrent étaient pour eux, à peu près, ce qu'étaient pour les Européens les lndiens de l'Amérique. Ils fondèrent de nombreuses et florissantes villes dans ces parages : mais entre toutes brillait la « ville neuve » ou Carthage (Karthada ou Kapxhôov, et Carthago, pour l’appeler comme les Occidentaux). Plus récemment bâtie que les autres cités phéniciennes de la contrée, elle avait été d’abord, à ce qu’il semble, dans la dépendance d’Utique, sa voisine et la plus ancienne des colonies libyques; puis, grâce à une situation merveilleuse et à l'activité intelligente de ses habitants, elle avait devancé promptement tous les comptoirs de la côte, et l’emportait même sur la mère-patrie. Non loin de l'embouchure actuellement déplacée du Bagradas (la Medjerdah), qui traversait les régions alors les plus riches en céréales de l’Afrique septentrionale, Carthage était assise sur une hauteur fertile, chargée de bois d’oliviers et d’orangers, et de nos jours encore couverte de nombreuses maisons de campagne. D’un côté, le terrain s’abaisse doucement vers la plaine : de l’autre, il s’avance en promontoire jusque dans la mer qui l'entoure, au centre méme du vaste golfe de Tunis, et forme un havre splendide, donné par la nature à cette région de l’Afrique. Un vaste bassin y offre un sûr ancrage aux plus grands vaisseaux ; et l’eau douce y descend jusque sur le rivage. L’agriculture et le commerce y trouvent donc réunies les conditions les plus favorables[1]. Colonie tyrienne, Carthage

  1. [V. l’Atlas antiquus de Spruner. carte XIII (3e éd.), et le plan de Carthage qui y est joint.]