Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 5.djvu/43

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I · TIBEBIUS GRACCHUS a ' 39 populaires pures et simples, dans les concions (contio, conctlium, II, pi j350-355‘),‘ quiconque se présentait, porté sur deux jambes, Égyptien ou Juif, traineur de rue ou esclave, avait droit à prendre place et à acclamer. Aux yeux de la loi, untel meeting n’était rien, absolument rien : il ne pouvait ni voter ni prendre une décision. Il n’en dominait pas moins : l’opinion dela rue était devenue une puissance : criant ou se taisant, applaudissant ou pro- clamant son allégresse, siftlant l’orateur ou hurlant à ses discours, l’attitude de cette cohue importait fort. Combien peu étaient assez braves pour lui tenir tete, à l'exemple de Scipion Emilien, quand il fut hué pour sa déclaration au sujet de la mort de son beau-frère (p. 34) : « Taisez- » vous, » s’écria-t—il, « vous qui n’avez'pas l’Italie pour » mère, mais pour belle—mère! n Et comme ils tempétaient ' plus fort, il reprit _: « Croyez—vous donc que, mis en » liberté, vous me ferez peur, vous que j’ai fait mener » jadis enchainés sur le marché aux esclaves? » Il était . assez regrettable déjà d’avoir à passer par les comices pour les élections et le vote des lois. Leur mécanisme rouillé ne fonctionnait`plus. Mais permettre aux masses, dans les comices, et surtout dans les concions, des cmpié- tements sur l’administration, ôter des mains du Sénat l’ins- - trument destiné à prévenir ces usurpations, permettre à cette vile multitude, qui se décorait du nom de « peuple », de se donner à elle-méme par décret des terres avec ap- partenances et dépendances, laisser à quiconque, par ses relations et son influence sur le prolétariat, avait le moyen de gouverner la rue pendant quelques heures, lui laisser, dis—je, la faculté d’imprimer à ses motions le sceau légal de la volonté souveraine du peuple, c’était marquer non `

  • [V. Dict. de Smith, vi' concilium, contio. Ce derniersmot semble

une contraction de conventio, canventus. Les magistrats pouvaient V convoquer le peuple en contio, pour lui faire connaître la rogation portée aux futurs comices et lui demander son appui. Tel étaitl’état légal originaire.. Mais les conliones, on le voit, empiétaient chaque jour sur les comices légaux.]