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UNE ÂME DE PRÊTRE

L’aubergiste et sa fidèle « doublure » causaient sur le seuil de l’auberge. Le premier, afin de n’en point perdre l’habitude, déblatérait à son aise contre son « ennemi » lequel, à ce moment, prodiguait ses consolations à un pauvre moribond voisin de Figarol.

— « J’aurais jamais crû, disait Rampal, que l’vieux père Batiste fut un « mange bon Dieu » ; paraît que l’curé l’a « arministré » à matin.

— C’est tout bonnement pour faire plaisir à sa femme, que l’bonhomme s’est confessé, répondit Figarol d’un ton dédaigneux.

— Hum ! l’vieux est pas si galant q’ça envers sa moitié ; même que lorsqu’il avait bu son coup — c’qui lui arrivait souvent — y cognait dur sur la malheureuse ; ça doit pas être pour elle, certain, qu’il s’fait dévot à c’t’heure.

— Alors, reprit l’aubergiste, c’est q’la « robe noire » l’a sans doute « hisnostisé ».

Le garde-champêtre, peu familiarisé avec les « mots modernes » dont son ami affectait — tout en les écorchant — de saupoudrer ses virulents discours, écarquillait ses bons gros yeux, n’y comprenant goutte.

— « Hinostisé » — expliqua le « savant » Figarol ça signifie, comme qui dirait : ensorcelé. »

Cette fois l’obtus Rampal avait saisi. « Alors — répliqua-t-il — c’est un bon sort que l’curé a jeté au père Batiste, car depuis qui va chex eusses il est doux comme un agneau. »

L’apparition du prêtre mit fin à la controverse que décidément cet « encroûté » de Rampal engageait dans un terrain dangereux.

Au moment où l’aubergiste s’apprêtait à lancer à la