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UNE ÂME DE PRÊTRE

face de l’homme de Dieu son insulte coutumière, le cri : garez-vous ! retentit dans le village ; un « sauve qui peut » général s’ensuivit. Les enfants, instinctivement, se précipitèrent dans l’église, dont ils étaient proches ; seul, le petit Rémi n’osa les suivre, son père lui ayant toujours formellement interdit d’en franchir le seuil. Affolé, il se dirigeait en courant du côté de l’auberge, lorsque l’affreuse bête, les yeux injectés de sang, la gueule écumante, arriva sur la place. L’enfant poussa un cri terrible… D’un bond l’Abbé Montmoret vola à son secours et tout en faisant à Rémi un rempart de son corps il saisit entre ses mains puissantes le cou de l’animal. Il ne lâcha prise que lorsqu’il s’aperçut que sa proie ne bougeait plus.

L’acte héroïque du prêtre vola de bouche en bouche ; en moins de temps toute la paroisse se trouvait réunie autour de son pasteur ; mais celui-ci, interrompant leurs félicitations, les invita à remercier Dieu dont, disait-il — je n’ai été que l’humble instrument.

Ce ne fut que lorsqu’il leva sur eux sa main bénissante qu’on s’aperçut qu’elle était ensanglantée… La consternation gagna tous les cœurs.

« Rassurez-vous — dit le généreux pasteur — les blessures, voyez-vous, ça me connaît, et il leur désignait la large balafre qui traversait son noble front ; la dent d’un chien, poursuivit-il, en s’efforçant de sourire, est moins cruelle que le sabre d’un teuton, je guérirai plus vite de cette plaie que de la première et son souvenir me sera moins amer car au moins cette fois il me rappellera une victoire ! »

Cette sublime réponse fut accueillie par un formidable hourrah. La voix tonnante de Figarol et celle de sa « doublure » dominèrent toutes les autres…