Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
CŒUR MAGNANIME

l’éternité, tandis que l’autre, essayant en vain de retenir l’être aimé, se sentait rivée encore au terrestre rivage.

Notre cher malade me fit signe d’approcher. — « Aimé, me dit-il alors — à nous deux maintenant ; le froid de la mort me glace déjà : aide-moi à franchir le passage redoutable… »

Maîtrisant mon émotion, je prodiguai à mon pauvre ami les consolations suprêmes. Qui m’aurait dit que la première absolution qui devait tomber de mes mains, humides encore de l’onction sainte, était réservée à une âme aussi chère, et que le plus beau jour de ma vie s’achèverait pour moi par le plus inattendu des malheurs…

La mort, approchait… ses yeux se voilèrent… penché sur lui je lui suggérais de pieuses aspirations qu’il redisait de sa voix mourante. Soudain il murmura : Anne-Marie… mon… enfant… adieu… Fiat ! » Ce dernier mot qui résumait l’acceptation pleine et entière de son sacrifice escorta sa belle âme au tribunal de Dieu !

Voici, Mademoiselle, le récit, à la fois douloureux et consolant, de la fin de notre regretté Rodrigue. La nouvelle, je ne le prévois que trop, va porter un terrible coup à vos excellents parents : ils aimaient tant ce fils de leur adoption ! Mieux que moi vous trouverez dans votre filiale tendresse des paroles pour atténuer un peu leur chagrin. Présentez-leur mes sympathiques et respectueuses condoléances.

Pour vous, je prie Dieu qu’il vous soutienne et vous console. Je vous plains et vous bénis…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .