Page:Monod - Jules Michelet, 1875.djvu/112

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son cœur avaient de chaleur et d’énergie, à ce point qu’il semblait indifférent au monde, aux hommes, aux personnes même qui lui tenaient de plus près, et qu’il pouvait passer dans la vie ordinaire pour froid et insensible. Les douleurs, les humiliations de son enfance l’avaient tout refoulé en lui-même ; ce n’est que plus tard, après ses cours du collège de France et surtout à l’époque de l’Oiseau, que son cœur s’ouvrit et révéla ce qu’il contenait de bonté.

La vie qu’il avait menée dans son enfance, l’éducation qu’il avait reçue, avaient favorisé ce développement excessif de l’imagination. On dit parfois que pour développer l’imagination il faut la nourrir, l’enrichir ; c’est le contraire qui est vrai, il faut l’appauvrir et l’affamer. Elle est le résultat d’une exaltation de l’esprit à qui la simple réalité des choses ne suffit pas, et qui supplée à son indigence en la revêtant de couleurs ou de formes créées par lui-même, en en exagérant les proportions, en réunissant selon sa fantaisie en combinaisons nouvelles ce que la nature a séparé ; en un mot, en créant ce qu’il désire à force de passion et