Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/158

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de leur pays, et qui étaient universellement reconnus comme les interprètes et les maîtres les plus autorisés de la génération qui a vécu de 1850 à 1880, ont été enlevés par la mort dans toute la plénitude de leur talent.

Tous deux ont fait de la science la maîtresse de leurs pensées et de la vérité scientifique le but de leurs efforts ; tous deux ont travaillé à hâter le moment où une conception scientifique de l’univers succédera aux conceptions théologiques ; mais, tandis que Taine croyait pouvoir jeter les assises d’un système défini et posséder des vérités certaines et démontrables, sans se permettre de sortir jamais du cercle assez étroit de ces vérités acquises, Renan se plaisait, au contraire, aux échappées du sentiment et du rêve dans le domaine de l’incertain, de l’inconnu ou même de l’inconnaissable ; il aimait à remettre en question les résultats considérés comme établis, à prémunir les esprits contre une trop grande sécurité intellectuelle. Aussi son action a-t-elle quelque chose de contradictoire. Les esprits les plus opposés se réclament de lui. Il prépare en quelque mesure la réaction momentanée que nous voyons se produire aujourd’hui contre les tendances positives et scientifiques de l’époque