Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/281

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Les heures s’écoulaient vite à l’entendre ! Il y avait dans ses paroles tant de profondeur et tant de fantaisie, tant de joyeuse sérénité et tant de sympathique bonté, de l’esprit sans malice et de la poésie sans déclamation ! Sa conversation était ailée ; les idées jaillissaient comme des flèches vives, dardées d’un trait ; ou bien il les laissait s’envoler une à une, d’un vol inégal et capricieux, comme des oiseaux, mais sans les suivre ni les rappeler. Il n’insistait jamais, ne développait pas. Il était un causeur incomparable, et l’on sentait en lui, sans qu’il cherchât à le faire sentir, ce je ne sais quoi de divin qui fait l’homme de génie.

Ce qui donnait à ce génie la grâce, c’est qu’il y joignait la modestie. Il savait écouter, il se laissait contredire, il demandait avis. Même devant des hommes plus jeunes que lui et dont le talent n’était pas égal au sien, il émettait souvent ses idées avec réserve, les questionnant, s’informant de leur opinion. Ce n’est pas qu’il feignît d’ignorer ce qu’il valait. Il a dit de son histoire « mon monument » ; et quand il attaquait l’usage du tabac, en montrant que tous les esprits créateurs du siècle, Hugo, Lamartine, Guizot, n’ont jamais fumé, il y ajoutait son propre exemple. Mais