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disparu. Incertain de recueillir ce qu’il aurait semé, le propriétaire cultivait à peine son champ. Aussi le travail des champs était méprisé, avili par les préjugés de l’époque, renvoyé aux pauvres manants ou colons comme une ignominie nouvelle jetée à leurs fronts déjà flétris par leur condition. C’est cette profession la plus humiliée que nos moines choisissent de préférence. Ils vont se faire agriculteurs, descendre dans le sillon, tantôt laissant le psautier pour la bêche, tantôt la bêche pour le psautier ; moines et laboureurs, hommes de travail et de prière, anges du ciel sur la terre, ils changeront les habitudes des populations comme ils auront transformé la nature des terrains. Quand le peuple verra les nobles, les seigneurs, les fils des seigneurs, comme les Bernard, les Grancey, les Gaudry, les Milon, prendre la pioche ou la houe comme un serf ou un colon, il commencera à aimer l’occupation des champs, et la main calleuse du moine sera pour lui plus précieuse que la main gantée du chevalier qui manie l’épée seulement dans des tournois sanglants, mais inutiles au bonheur du peuple.

Quand il verra Bernard, la première année de sa retraite à Cîteaux, pleurer parce qu’il ne savait pas scier le blé, et se réjouir plus tard de ce qu’il était devenu un moissonneur habile, le peuple ne rougira plus du travail de ses champs et embrassera avec joie l'agriculture, naguère objet de ses dédains. C’est cet amour naissant pour la culture des terres qui attire à Fontenay un si grand nombre de convers. Ils étaient contents aussi de voir tous les rangs de la société confondus dans la sainte égalité du couvent.