Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/136

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— Voilà pourquoi je jugeais convenable de m’enquérir du degré d’intimité qui vous rattache à M. Beyle.

— Mais je ne l’ai jamais vu, entendez-vous !

— Jamais ? souligna le comte.

— Pas même en peinture.

— Alors, je suis à mon aise pour parler de lui.

— Oh ! que de préambules ! c’est donc un bien grand scélérat ?

— C’est pis qu’un scélérat : c’est un ambitieux.

Pandore haussa les épaules.

— Vous avez des maximes au moins étranges, remarqua-t-elle.

— Interrogez nos plus profonds politiques, continua le comte ; tous vous diront que, dans un État sagement constitué, un ambitieux est un élément de désorganisation bien autrement redoutable qu’un chez de brigands.

— Il est inutile de vous demander si c’est aux levers de M. de Talleyrand que vous avez appris à penser ainsi, dit Pandore. Et… ce scélérat… cet ambitieux… possède-t-il le physique de l’emploi, l’air bien sombre, la physionomie bien farouche ?

— Ah ! voilà le principal pour vous. Eh bien, non ; son visage est calme et même souriant, mais d’un souriant qui va jusqu’au moqueur. C’est un homme qui se possède, comme tous ceux qui ont une vraie force, et je ne serais pas surpris qu’il fît son chemin ; mais, en attendant…

— En attendant ?

— Il ne fait rien qui vaille. Il était attaché d’ambassade l’an dernier ; il est, dit-on, inscrit pour un secrétariat. Tout cela est bien ; pourtant ses chances semblent diminuer de jour en jour ; il n’en est plus maintenant à compter les passe-droits.

— D’où vient cela ?

— Les uns disent qu’il ne cache pas assez son esprit. On lui attribue deux ou trois épigrammes anti-ministérielles, dont il se défend comme un beau diable. Les autres l’accusent de fournir des notes à un journal de l’opposition. C’est toute une coalition contre lui.

— A-t-il les femmes de son côté ? interrogea Pandore.