Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/176

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dans ma conduite, de si émerveillant ? Je vous avais ajournée à trois mois pour des motifs personnels.

— Oui, personnels…, soupira-t-il.

— Je vous avais dit : Partez, éloignez-vous de Paris, voyagez pendant trois mois.

— Je suis parti, j’ai voyagé.

— Et, avais-je ajouté, revenez le vingt-six octobre ; trouvez-vous dans votre loge de l’Opéra-Comique ; je ne manquerai pas de m’y rendre pendant la soirée. Nous sommes aujourd’hui le vingt-six octobre, me voilà ; quoi de plus simple ?

— Vous êtes adorable.

Pandore était tournée de façon à ne pouvoir apercevoir Philippe Beyle ; elle avait fait une seconde toilette très brillante. Mais, s’il ne pouvait apercevoir Pandore, il voyait parfaitement le comte d’Ingrande, joyeux, régénéré.

Dire que la rage gonfla la poitrine de Philippe, ce serait trop peu. Il eut un instant l’idée d’entrer dans la loge ; mais le ridicule de cette action lui sauta aux yeux presque aussitôt. Il se contraignit. Le comte était le même homme qu’elle lui avait sacrifié il y avait trois mois, sacrifice dont il avait été touché et qui n’était que provisoire, comme il le découvrait en ce moment. Cette lumière, le frappant au visage, faillit le rendre ivre de courroux. Ainsi donc, Pandore s’était jouée de lui pendant trois mois ; Pandore n’avait eu pour lui aucun amour ; elle avait suivi méthodiquement un programme tracé à l’avance, et elle en avait tranquillement assigné le terme au vingt-six octobre ! On serait exaspéré et humilié à moins.

En outre, au milieu de son irritation, Philippe Beyle pressentait qu’il devait y avoir une cause à cette comédie, un but à cette machination cruellement froide. Si on ne l’avait pas aimé, qu’avait-on voulu de lui ? Ce n’est pas tout encore ; il frémissait à cette idée de vol qui se présentait sans cesse à son esprit. Vainement essayait-il de se dérober à cette obsession fatale en reportant les yeux dans la loge où se jouait cette forme mignonne et parée : derrière le nuage de ses cheveux,