Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/230

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— Il est des volontés au-dessus de celle de ton père ; il est des pouvoirs au-dessus du sien.

— Quelles volontés ? quel pouvoir ?

La marquise de Pressigny se tut.

— L’autre jour, cependant, dit Amélie, vous avez pris la défense de M. Philippe Beyle devant ma mère et devant moi.

— Je la prendrais encore.

— Eh bien, s’il est digne d’estime à vos yeux, pourquoi ne serait-il pas mon mari ?

— M. Beyle ne s’appartient pas.

— À qui appartient-il donc ?… Que voulez-vous dire ? Quel mystère cachent vos paroles ? Oh ! ma tante, parlez ! parlez !

— J’ai promis de me taire, dit la marquise.

— Vous ne m’aimez donc pas ?

— Amélie, la douleur te rend ingrate. Tu sais que ton bonheur est toute ma préoccupation. Ne m’accuse pas de ce qui n’est que l’œuvre du hasard et de la fatalité.

— Le hasard ? la fatalité ? vous m’effrayez…

— Éloigne de ton esprit une espérance qui ne peut se réaliser ; arrache de ton cœur un sentiment qui n’a pas encore eu le temps de s’y fortifier. À ton âge, l’amour n’a pas qu’une seule floraison. Tu aimeras encore, tu aimeras mieux. Amélie, crois-moi, renonce à une union impossible.

Amélie tressaillit.

— Est-ce votre dernier mot à vous aussi, ma tante ?

— C’est mon dernier mot, répondit la marquise en soupirant.

— C’est bien.

À compter de ce jour, Amélie ne fit plus entendre une plainte, une récrimination. Elle ne supplia plus. Elle se renferma dans sa douleur comme sa mère s’était renfermée dans son implacabilité. Ces deux natures se ressemblaient par l’énergie ; aucune d’elles ne voulut plier. Seulement, la jeune fille s’affaissa la première ; au bout de quinze jours, elle tomba dangereusement malade. La marquise de Pressigny la veilla avec des soins touchants ; elle fut la vraie mère. Quant à la comtesse, deux fois par jour régulièrement, elle