Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/231

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venait s’asseoir au chevet d’Amélie ; son visage exprimait l’inquiétude, mais sa parole n’en témoignait rien. Ses yeux, qu’agitait un léger frémissement lorsqu’ils rencontraient ceux de sa fille, n’étaient jamais mouillés. Elle la voyait s’éteindre sans vouloir prononcer le mot qui pouvait la sauver. Ce silence avait quelque chose de redoutable ; il semblait signifier : « Que ma fille meure plutôt que de se mésallier ! »

À mesure que la fièvre faisait des progrès chez Amélie, la marquise de Pressigny, par un contraste étrange, s’absentait plus fréquemment. Tous les matins, elle écrivait. À midi, elle demandait sa voiture. Elle ne rentrait que le soir. Mais alors, elle passait la nuit tout entière auprès d’Amélie ; elle l’embrassait et pleurait avec elle. Il arriva qu’une fois, rentrant plus tard que de coutume, elle se glissa avidement jusqu’à son oreiller, en lui murmurant :

— Espère !

La jeune fille, qui n’était qu’assoupie, se souleva et vit la marquise debout devant elle, un doigt sur la bouche, comme pour lui ordonner le silence. Amélie se recoucha en souriant ; et, cette nuit-là, elle dormit, doucement bercée dans la gaze des visions célestes.

À son réveil, croyant avoir été abusée par un songe, elle chercha la marquise. Elle ne la vit pas. La marquise de Pressigny était sortie de grand matin.

Quelques jours se passèrent sans qu’Amélie osât l’interroger sur l’espoir qu’elle lui avait jeté d’une façon si imprévue. Peu à peu, elle retomba dans son découragement ; la marquise elle-même était abattue et semblait éviter les questions. Sur ces entrefaites, un jour que la comtesse d’Ingrande était assise, muette comme à l’ordinaire, auprès du lit d’Amélie, la jeune malade tourna vers elle un regard vaincu :

— Ô ma mère ! dit-elle.

— Amélie ! s’écria la comtesse, cédant à cette voix éplorée.

Et elle l’embrassa frénétiquement, pour se payer sans doute de ses jours de privations.