Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/240

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sur nos deux rôles : acceptez mon amitié comme j’ai accepté la vôtre, et partons.

— Eh bien, oui, partons, dit-elle ; mais partons tout de suite ; Paris me fait horreur !

Marianna parlait sincèrement ; ses idées de vengeance s’étaient évanouies ; un dégoût, un effroi immense les avaient remplacées. Incapable d’action en ce moment, elle laissa à Irénée les préparatifs de leur exil volontaire ; mais elle voulut être morte au monde, afin de rompre tout lien entre son passé et son avenir. Il fut alors décidé qu’elle partirait la première, secrètement ; Irénée devait la rejoindre quelques jours ensuite. Auparavant, ils concertèrent ensemble un plan destiné à répandre le bruit de son suicide ; cette comédie eut lieu, comme on l’a vu au chapitre précédent : un patron de barque fut gagné, et le décès de Marianna s’enregistrait à Marseille pendant qu’elle abordait à Hyères.

La petite ville d’Hyères, assise au flanc d’une colline éternellement verte, est extrêmement jolie et pittoresque ; mais son aspect n’est pas le même à l’intérieur. Ses rues sont désertes, ses boulevards sont silencieux ; ce n’est plus ni le faste de Gênes, ni la coquetterie de Nice : on sent qu’on est cette fois dans la ville des maladies réelles, des phtisies sérieuses, des pleurésies et des rhumatismes avérés. Une place située au sud, propre et sablée, a reçu le nom de place des Palmiers ; une pyramide de granit, due à la munificence d’un tailleur enrichi, s’élève au milieu. C’est sur cette place que se tient la bourse des malades, pour ainsi dire.

Dans cette solitude, Marianna s’efforça d’oublier et de renaître. Les luttes sourdes qu’elle eut à soutenir contre son cœur constitueraient à elles seules un drame d’héroïsme ; nous le résumerons dans ce mot : elle essaya d’aimer Irénée. Pour ne pas être ingrate, elle se fit hypocrite. Irénée était condamné ; elle tenta d’adoucir sa fin par un mensonge.