Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/248

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De temps en temps, quand les chanteurs se taisaient, les orgues se prenaient à rugir. L’orgue est un instrument sacré, et nous ne saurions trop regretter qu’on en ait fait un instrument profane. Quel était l’artiste qui s’était chargé, à l’occasion du mariage de Philippe Beyle, de rouler sur les têtes pieusement inclinées ces tonnerres d’opéra, de changer les tuyaux en batterie d’artillerie, et tantôt, par une opposition puérile et ridicule, de s’efforcer de leur faire rendre les sons nasillards du biniou breton ? Il se pourrait que ce fût un artiste de talent, mais certainement ce n’était qu’un médiocre chrétien. Après une dernière décharge de notes qui ébranla tout l’énorme vaisseau de la Madeleine, il se consentit à se taire. Il devait être en sueur. L’effet qu’il avait produit, du reste, n’était autre qu’une épouvante à peu près générale. Le silence qui se fit ensuite, et qui dura quelques secondes, ramena les esprits au sentiment religieux.

Philippe Beyle portait son bonheur noblement, c’est-à-dire simplement. Il s’était retrempé dans son amour pour Amélie. En même temps qu’il s’élevait, sa pensée s’était élevée et purifiée. Maintenant il était vraiment à la hauteur de sa nouvelle position, et il se sentait préparé pour les devoirs qu’elle lui créait. Nous ne dirons pas qu’il était devenu un nouvel homme, mais il était devenu l’homme qu’il avait toujours rêvé d’être et que les événements l’avaient jusqu’à présent empêché d’avoir été. On devinait, à la sérénité répandue sur son front, que Philippe allait désormais dater sa vie de cette heure solennelle et de cet amour unique ; on comprenait qu’il ne gardait même pas rancune à son passé, qu’il avait voulu l’oublier, et qu’il l’avait oublié en effet, entièrement, absolument.

La messe touchait à sa fin. Les ténors avaient lancé leurs dernières notes vers la voûte dorée. Le prêtre allait descendre de l’autel. Il se faisait déjà dans l’assistance cette rumeur légère qui précède tous les dénouements, et, par habitude, les yeux se tournaient vers l’orgue. On attendait ces derniers accords qui,