Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/255

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pensais alors ce que le but de notre association est plutôt de protéger que de punir.

— Punir les oppresseurs, c’est protéger les opprimés.

— Les torts de M. Beyle envers vous n’ont été que ceux d’un amant.

L’œil de Marianna étincela à ces paroles.

— Que ceux d’un amant, oui, madame, rien que cela ! répondit-elle avec ironie ; c’est la moindre des choses, en effet. Il m’a torturée, il est entré violemment dans ma vie pour la briser. Ses torts ne sont que ceux d’un amant ! Est-ce donc à moi de vous rappeler que notre société est autant la sauvegarde des sentiments que la sauvegarde des intérêts ? Par quoi vivons-nous, nous autres femmes, sinon par le cœur, et quand on nous l’a broyé, quel plus grand crime pouvez-vous imaginer, dites-moi ?

— Madame…

— Mes griefs, qui étaient justes alors, se sont accrus depuis. Je vous le répète, cet homme m’appartient.

Après avoir disputé le terrain pied à pied, la marquise de Pressigny crut devoir changer de tactique.

— Soit, dit-elle ; mais en le frappant, n’atteindrez-vous pas du même coup Amélie, une enfant qu’il est impossible de haïr ?

Marianna eut un tressaillement.

— Elle m’a sauvé la vie, c’est ce que vous voulez me rappeler, n’est-ce pas ? Oh ! je ne l’ai pas oublié. Un jour que j’étais tombée dans le bassin d’Arcachon, l’enfant eut plus de courage que Philippe qui m’accompagnait, plus de courage que les misérables rameurs. Elle m’arracha à la mort ; me rendit-elle un véritable service ? je l’ignore. Cependant je serais un monstre si le souvenir de ce qu’elle a fait pour moi s’était effacé de ma mémoire.

— Eh bien ? dit la marquise.

— Eh bien ! madame, je plains votre nièce, mais ce souvenir ne m’empêchera pas d’arriver jusqu’à Philippe. C’est parce que ma reconnaissance pour elle est grande que je serai sans pitié