Quelles que fussent ses relations avec M. Blanchard, il éprouvait une répugnance naturelle à prononcer les paroles suivantes, qui eussent d’ailleurs parfaitement résumé sa situation :
« Je suis à la recherche de ma femme, qui vient d’entrer, seule, à neuf heures du soir, dans un jardin d’une maison du boulevard des Invalides. »
Ce sont de ces choses qu’on ne se dit qu’à soi-même, selon l’observation judicieuse de Brid’oison. Heureusement que M. Blanchard, très préoccupé pour sa part, n’avait pas fait grande attention à cette parole de Philippe.
— Vous ne comptiez donc plus sur moi ? reprit-il.
— Pourquoi cela, monsieur Blanchard ?
— Puisque vous venez faire vos affaires ici.
— Mais… je…
— Au fait, trois semaines se sont passées depuis notre dernière entrevue : vous avez pu croire que j’avais oublié ma mission ou que je n’avais pas réussi auprès de Guédéonoff. Rassurez-vous.
Ce nom éclaira Philippe.
— Guédéonoff est gagné à notre cause, reprit M. Blanchard ; grâce à mes dithyrambes, il ne jure plus que par la Marianna ; ajoutez à cela que précisément l’empereur lui demande une cantatrice ; tout est donc pour le mieux.
— Pour le mieux, oui.
— Il ne s’agit que de mettre la main sur Marianna ; mais la Marianna se méfie sans doute. L’avez-vous vue entrer ce soir ?
— Non, répondit Philippe rendu attentif.
— Elle aura passé par la rue Plumet ou par la rue de Monsieur.
— Vous croyez ?
— Elle n’entre jamais deux fois de suite par la même porte, affirma M. Blanchard.
— Elle vient donc souvent ici ?
— Deux fois par semaine, comme les autres.
— Comme les autres ! répéta Philippe en réprimant un mouvement ; quelles autres ?