Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/339

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— Vous ne comprenez pas pourquoi ?

— Non.

— Vous ne comprenez pas qu’ayant, depuis des jours, des nuits, des semaines, couru seul tous les périls, passé seul toutes les inquiétudes, usé seul toutes les combinaisons, vous ne comprenez pas pourquoi je veux recueillir seul le bénéfice de mes entreprises et de ma témérité ? Au moment de toucher le but, vous voulez que j’aille m’adjoindre un compagnon ? Pour quoi faire ? pour me regarder et me suivre ? Ce n’est pas la peine.

— Je ne voudrais que partager vos dangers.

— Non pas ! non pas !

— Cependant…

— Monsieur Beyle, ne m’obligez pas de vous dire que ce serait mal reconnaître les peines que je me suis données pour vous.

— Je sais tout ce que je dois à votre dévouement.

— Soyez raisonnable, alors ; ne m’enlevez pas la gloire de mes découvertes ; ne vous faites pas mon Améric Vespuce.

Philippe demeurait indécis. Ce n’était pas l’éloquence de M. Blanchard qui le touchait ; M. Blanchard ne l’occupait que secondairement. Ce qui intéressait Philippe avant tout, c’était le soin de son honneur conjugal, c’était le souci de son repos. Devait-il poursuivre sa femme jusqu’au bout, c’est-à-dire jusque dans cette enceinte particulière ? Était-il bien certain, en donnant ainsi le spectacle public de sa jalousie, de ne pas rencontrer le ridicule sur son passage ? Le ridicule ! Ce mot devait arrêter Philippe Beyle, en effet. Le ridicule était peut-être derrière cette muraille, le guettant, lui croyant guetter, et prêt à le couvrir de confusion au premier pas. Dans ce cas, mieux valait rebrousser chemin. Mais, cette résolution prise, une autre considération se présentait à son esprit, aussi grave, aussi embarrassante.

Jusqu’à quel point devait-il permettre que M. Blanchard vît ce que lui, Philippe, ne voulait ou n’osait pas voir ? N’était-il