Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étrangères, entre autres une Suédoise, de passage à Paris. Plusieurs grandes dames avaient traversé la France et quitté leurs châteaux pour venir assister à la réception d’Amélie ; c’étaient les mêmes qu’on remarquait dans l’église de la Madeleine, le jour de son mariage.

Le reste de l’assemblée se recrutait sur le grand théâtre parisien, et quelque peu aussi dans ses coulisses. On eût vainement cherché une condition sociale, qui n’eût pas là sa représentante. Les forces de la Franc-maçonnerie des femmes étaient au complet : forces du salon, forces de la rue, forces avouées et forces occultes. À un moment donné, sur un signal convenu, toutes ces forces étaient mises en jeu ; toutes ces grâces, tous ces esprits, toutes ces élégances, toutes ses relations, toutes ces vertus, toutes ces roueries, toutes ces fortunes fonctionnaient avec la régularité d’une machine ; elles travaillaient alors à un but commun, envieuse de justifier leur devise : Toutes pour une, une pour toutes.

C’était là qu’il eût fallu venir chercher la clé de tant d’énigmes, le secret de tant de réputations, le mot de tant de fortunes, la source de tant d’aumônes aussi. Que de choses mises sur le compte du hasard, que d’événements acceptés comme venant du ciel, et que la Franc-maçonnerie des femmes pourrait aisément revendiquer !

Les voici toutes, formant une chaîne autour de la société, les belles et les laides, les infimes et les illustres : marchandes à la toilette, dont les cartons savent la statistique de tous les boudoirs enrichis et de tous les ménages ruinés ; institutrices au cachet, ayant leurs petites entrées dans la famille, connaissant l’heure des mariages, le chiffre des dots, interrogeant le cœur des héritières, et, au besoin, faisant les demandes et les réponses ; gouvernantes à l’affût des testaments ; femmes de journalistes taillant les plumes de leurs maris, taillant aussi leurs idées, les premières à recueillir les nouvelles, les premières quelquefois à les souffler ; demoiselles de comptoir n’ayant qu’une oreille tendue aux madrigaux, et réservant l’autre aux intérêts de l’association ; ouvrières pour qui les ateliers et les faubourgs n’ont pas de secrets ; tout un monde enfin, hardi, dévoué, multiple !