Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/361

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Alors, il a rougi de sa femme, il a cherché à se débarrasser d’elle, à l’éloigner ; mais il n’était plus temps. Une contre-vengeance dirigée sur le marquis lui-même, par une de ses anciennes maîtresses au lit de mort, avait placé Ébène sous la protection de la Franc-maçonnerie des femmes.

Ébène est restée à Paris ; elle a voulu connaître ses droits et en user ; on lui a donné des maîtres et des couturières ; elle s’est habituée au monde, et, chose plus malaisée, mais rendue possible par le crédit de ses nouvelles sœurs, le monde a fini par s’habituer à elle. Quelques salons l’ont admise déjà dans le huis-clos des réunions intimes, comme une originalité, une fantaisie, comme la sœur d’ Ourika ; bientôt il sera de mode de la voir dans tous les bals, nous en faisons le pari.

Lorsque le marquis de Champ-Lagarde, confondu et désespéré par cette métamorphose inattendue, parle de la renvoyer à la Martinique, elle va chercher dans sa bibliothèque particulière un livre aux tranches tricolores, dont elle fait une étude approfondie depuis trois ans. Il n’y a pas longtemps que, furieux de cette résistance, le marquis a essayé de revenir à ses anciennes traditions de colon ; mais alors, c’est Ébène qui a décroché le fouet au manche incrusté d’argent.

Celle-ci, qui est assise, le coude au genou et le menton dans la main, les yeux égarés, et comme indifférente à ce qui se passe, autour d’elle, celle-ci a fait plus que de tuer un homme, elle a tué une gloire. Louise-Raimonde-Eugénie d’Effenville, comtesse Darcet, poursuit une vengeance sans égale, et qui absorbe sa vie entière. C’est contre un peintre illustre qu’elle s’acharne depuis vingt ans bientôt. Cherchez une seule des toiles de René Levasseur, un seul de ses paysages admirables ; vous ne trouverez rien, absolument rien. D’où vient cela ? L’histoire vaut la peine qu’on la raconte.