— C’est un nouveau piège. Philippe n’a pu parler. D’ailleurs, qu’aurait-il pu dire ?
Marianna sourit froidement et répondit :
— À quoi bon tant vous inquiéter, si vous êtes innocente ? Laissez là ces propos. La liberté vous est rendue ; que n’en profitez-vous ?
— Vous avez raison, dit Amélie après un silence ; je me disculperai devant la Franc-maçonnerie des femmes.
Et s’adressant à Marianna :
— Mais auparavant, il faut que je vous entretienne en particulier, à l’instant même. Mesdames, le permettez-vous ?
— Nôtre rôle est fini, dit la comtesse Darcet en se retirant, suivie de ses amies silencieuses.
Certaine de leur départ, Amélie revint devant Marianna.
— Est-ce la vie de Philippe ou la mienne que vous voulez ? lui demanda-t-elle.
— Je ne veux la vie de personne, répondit Marianna.
— Il faut que votre haine se décide pourtant et choisisse entre lui et moi. Je suis lasse à mon tour de vous rencontrer sans cesse sur mon passage. Votre opiniâtreté n’a plus de nom ; et quand je songe que vous m’avez tenue prisonnière là ; chez vous, je vous trouve d’une hardiesse à mériter tous les châtiments.
Cette apostrophe siffla comme une lanière aux oreilles de Marianna.
— Finissons-en, reprit Amélie. Et d’abord, pour ce qui est de la Franc-maçonnerie des femmes et de ma trahison, sachez que vous êtes aussi bien perdue que moi.
— Laquelle de nous deux a parjuré son serment ?
— Je prouverai votre complicité. Je montrerai les lettres anonymes que vous avez fait écrire à Philippe. Ce sont ces lettres qui lui ont inspiré ses premiers doutes, et qui l’ont engagé à épier mes sorties. L’homme qui les a écrites sous votre dictée, je l’ai cherché, je l’ai découvert. Vous l’aviez payé, je l’ai enrichi. Il témoignera contre vous.