Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/407

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— Inventions ! murmura Marianna qui ne put se défendre de quelque trouble.

— Que vous êtes bien une femme de théâtre, dit Amélie, en haussant les épaules, et à quels misérables moyens vous ne dédaignez pas de recourir ! Je m’étonne que, me tenant en votre pouvoir, l’idée ne vous soit venue de me faire disparaître dans une trappe. C’eût été digne de vous.

Marianna voulut répondre. Mais la jeune femme n’avait pas fini ; l’indignation la rendait puissante.

— Je n’ai jamais haï personne jusqu’à présent, mais il me semble que je m’y prendrais autrement que vous en pareil cas, et surtout plus hautement. La haine de sa noblesse, elle aussi. Vous ne vous en doutiez guère, n’est-il pas, vrai ? Allez, vous ne méritiez pas d’être aimée de Philippe !

Ce mot était le coup de grâce. En le recevant, les lèvres de Marianna blanchirent.

— Je ne… méritais pas… son amour ? balbutia-t-elle, partagée entre la colère et la douleur.

— Non, dit Amélie.

— Et… pourquoi ?

— Parce que vous n’avez pas sur mourir à ses pieds ou le frapper aux vôtres !

Marianna baissa la tête.

— C’est vrai, dit-elle comme en se parlant à elle-même ; j’ai été barbare ; ne pouvant être forte. D’où cela vient-il ? Hélas ! de mon enfance sans doute. On m’a trop tourmentée et battue pour qu’il ne m’en soit pas resté un mauvais levain. Ce n’est pas comme cela que se font les éducations dans votre monde, n’est-ce pas ? Où voulez-vous que nous autres nous apprenions ce sui est vice et vertu ? Au sortir du berceau, nous ne savons épeler que deux mots : travail et crainte. Ensuite, si nous devenons mauvaises, on s’étonne, on s’irrite ; on ne veut pas que le sang grossier de nos pères se réveille par intervalles dans nos veines. J’en suis fâchée, madame, mais je n’ai pas été à l’école des vengeances raffinées ou superbes. Je me venge comme je peux et comme je sais ; je n’y mets pas d’amour-