Aller au contenu

Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Et si bien que le chiffre prononcé par M. Ricoux est resté dans ma mémoire : 190 000 et quelque cent francs.

– Il paraît que le chiffre énoncé devant vous était pour vous d’un grand intérêt. La pensée criminelle se formulait déjà !

– Eh ! monsieur, ne peut-on se souvenir sans avoir pour cela une pensée criminelle ?

– L’acte de fuir comme vous l’avez fait n’est-il pas la preuve sans réplique de votre culpabilité ?

– Dites de ma faiblesse. J’ai cédé lâchement aux menaces… aux violences du vrai, du seul coupable…

– Vous prétendez le connaître ? Nommez-le donc !

– Jacques Garaud.

– Vous êtes vraiment mal inspirée. S’il est quelqu’un que vos accusations calomnieuses ne peuvent atteindre, c’est le brave contremaître, victime de son dévouement.

– Si Jacques Garaud est vraiment mort !

– Vous osez le croire vivant quand vingt personnes l’ont vu disparaître dans l’incendie. Vous osez l’accuser !

– Je l’ose.

– Toujours sans preuve, bien entendu ?

– La preuve, je l’avais.

– Qu’est-elle devenue ?

– Elle a été réduite en cendres, à Alfortville, pendant la nuit fatale, car l’incendie n’a point épargné le pavillon habité par moi.

– Bref, cette prétendue preuve, vous ne la possédez plus ?

– Monsieur, voulez-vous m’entendre ?

– Parlez, je vous écoute. »

Jeanne recommença le récit qu’elle avait déjà fait à l’abbé Laugier, à sa sœur et à Étienne Castel, mais l’impression produite par ce récit fut malheureusement bien différente. Le magistrat prévenu n’écouta la prisonnière qu’avec un sourire d’incrédulité. Quand elle eut achevé, il lui dit d’un ton railleur :

« Vous avez une imagination féconde, mais vos inventions sont plus romanesques que vraisemblables. Comment,