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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/112

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« La liqueur de vérité a d’autres vertus, une entre autres, versée pure sur une blessure, elle la cautérise violemment, d’une façon presque instantanée.

– Mais c’est la panacée universelle ! s’écria le jeune médecin avec un rire qui décelait pas mal de scepticisme.

– Ne riez point ! fit le Canadien. Je vous ai dit vrai et vous pourrez vous en convaincre en faisant l’épreuve…

– Pour faire l’épreuve, où pourrais-je m’en procurer ?

– Écrivez ce que je vais vous dire. »

Le jeune médecin tira de sa poche un agenda et s’apprêta à prendre des notes. De son côté, Ovide, tournant le dos aux causeurs, en avait fait autant. Le Canadien dicta :

« Chuchillino, onzième avenue, numéro 24.

– Qu’est-ce que ce Chuchillino ?

– Un homme de mon village qui a quitté le Canada pour venir trafiquer à New York ; il fait venir des montagnes la liqueur de vérité, et la vend à peu près au poids de l’or.

– Je l’achèterai quand même. Je veux posséder cette liqueur. »

Ovide avait inscrit le nom et l’adresse sur son calepin.

« Et moi donc ! » se dit-il.

Tandis que cela se passait sur le gaillard d’avant du Lord-Maire, Jacques Garaud, redescendu au salon de conversation, avait enfin trouvé l’occasion d’adresser la parole à Noémi Mortimer. La blonde Noémi s’était mise au piano. La jeune fille étudiait les motifs d’une opérette en ce moment fort en vogue à Paris.

Jacques vint s’asseoir à une faible distance de la jeune fille.

Noémi s’était, à plusieurs reprises, aperçue que le passager la regardait avec un plaisir manifeste. Il avait la tenue d’un gentleman, il voyageait en première classe, pourquoi se serait-elle offensée de son admiration discrète ? Le morceau achevé, Jacques se pencha vers la musicienne.