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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/160

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sant, puis un sourire avait accompagné le salut, puis ils avaient fait des haltes courtes d’abord, et bientôt plus longues, afin d’échanger quelques paroles. Enfin l’amour s’était mis de la partie : un amour sérieux, sincère, absolument honnête.

« Chère petite Lucie, je vous aime, dit Lucien à la jeune fille ; lorsque j’aurai une position, nous nous marierons… »

Lucie répondit :

« Je vous aime aussi et j’attendrai tant que vous voudrez. »

Depuis un an ils attendaient, mais si Lucie demeurait patiente, le découragement commençait à s’emparer de Lucien. Ses gains restaient médiocres. Or, s’il épousait Lucie dans de telles conditions, à la première grossesse, la misère arriverait.

Les deux fiancés s’étaient mutuellement raconté leur histoire. Nous connaissons celle de Lucien. Celle de Lucie était bien courte. Une nourrice qu’on ne payait plus avait remis à l’Assistance publique la petite âgée d’un an ou de dix-huit mois. La petite fille avait grandi, voilà tout. Cette enfant, nos lecteurs l’ont compris déjà, était la fille de Jeanne Fortier.

* * *

Il était dix heures du matin. Lucie, sortant de chez elle, alla frapper à l’huis du logement de Lucien, qui se trouvait sur le même carré. La voix du jeune homme répondit :

« Entrez ! »

Lucie ouvrit la porte et franchit le seuil.

« Soyez la bienvenue, chère Lucie ! » s’écria-t-il.

La fille de Jeanne Fortier, au lieu de lui répondre, lui prit les deux mains et le regarda bien en face.

« Comme vous êtes pâle !… fit-elle d’un ton de reproche. Vous avez encore passé une partie de la nuit !…

– Il me faut ce soir livrer des dessins très pressés.

– Mais vous vous tuez à ce travail si mal rétribué, alors que vous devriez gagner cent fois plus !