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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/170

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venir en aide, je me vengerai sans elle. Je ferai justice moi-même.

– Savez-vous, demanda Étienne, si Jeanne Fortier existe encore ?

– Je l’ignore, mais je le saurai.

– Si tu le désires, je m’en inquiéterai… dit Georges.

– Tu m’obligeras. Mais nous avons bien assez parlé de moi. Occupons-nous de toi. Es-tu satisfait ?

– Autant qu’on le puisse être. Je n’ai rien à envier. Je travaille… Je réussis… Que pourrais-je souhaiter de plus…

– Mais une femme.

– Une femme ! J’ai encore le temps d’y songer. Je crois du reste que comme mon tuteur… je resterai garçon… Le célibat est ma vocation. Est-ce aussi la tienne ?

– Il faut que j’aie une position avant de penser au mariage.

– Ce qui ne t’empêche pas d’y penser dès à présent.

– J’en conviens : c’est justement ce qui me fait dire qu’avant de me marier il faut que je me trouve sur un terrain solide. Lucie, la jeune fille qui sera ma femme, est aussi pauvre que moi. C’est une orpheline sans famille, mais une âme pure. De plus, elle est travailleuse comme une abeille.

– Et tu l’aimes ?

– Sans elle il ne saurait exister de bonheur pour moi.

– Eh bien, il faut espérer que ta position se fera vite et que tu pourras être heureux. Je m’invite d’avance à ta noce ! »

Le dîner se prolongea longtemps. Ce fut seulement à onze heures que Lucien quitta son camarade et le peintre Étienne Castel, devenu, lui aussi son ami pendant cette soirée.

« Travaille et compte sur nous », lui dit Georges.

Et le jeune homme descendit, le cœur gonflé d’espérance. Si Lucien se sentait joyeux, Lucie était fort triste. Toute la soirée, la fille de Jeanne Fortier avait attendu avec une impatience, puis avec une anxiété grandissante, le retour de son fiancé. Enfin, à onze heu-