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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/177

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dans un omnibus qui la conduisait à Vincennes, où elle prit le premier train pour Chevry.

« Pourvu qu’on ne me reconnaisse pas ! » se disait-elle.

La pauvre femme avait tort de craindre. Depuis vingt et un ans, elle était bien changée. Elle avait tant souffert ! Elle avait tant pleuré !

On atteignit Chevry.

À mesure que l’évadée de Clermont s’approchait de la cure, elle sentait son émotion grandir. C’est qu’en même temps que Chevry lui rappelait le passé terrible, il remettait sous ses yeux son cher enfant laissé aux mains du vieux prêtre qui lui avait ouvert sa maison. Jeanne reconnut la grille du premier coup d’œil. Elle se souvint du jour où elle avait sonné à cette grille, puis était tombée à demi évanouie dans la poussière du chemin. Elle traversa la chaussée et sonna. Une vieille servante vint lui ouvrir.

« Qu’est-ce qu’il y a pour votre service ? demanda-t-elle.

– Je voudrais voir M. le curé de Chevry, répondit Jeanne.

– M. le curé dit les vêpres. Il faut aller à l’église. »

Jeanne se dirigea vers l’église… Les vêpres s’achevaient. Peu à peu les fidèles se retirèrent. Le curé sortit le dernier. Jeanne s’avança vers lui.

« Pardon, monsieur le curé… balbutia-t-elle, je voudrais vous parler… Je viens de Paris exprès.

– Eh bien, suivez-moi à la sacristie… »

Jeanne obéit et, un instant après, reprit l’entretien en disant :

« J’ai été chargée de vous demander quelques renseignements.

– Des renseignements ! répéta le prêtre. À quel sujet ?

– Au sujet de votre prédécesseur, en 1861.

– Vous voulez parler du vénérable abbé Laugier, mon enfant ? Celui que j’ai remplacé. Il est mort pendant l’année de la guerre et je suis ici depuis 1871.

– N’avait-il pas une sœur ?