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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/184

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– Ah ! par exemple !

– Entrez donc… il fait frisquet. Pas plus le vôtre que le mien. À cette boulangerie-là, impossible de compter sur eux. Ils changent de porteuses pour un oui, pour un non. »

À ce moment une grande jeune fille blonde, sèche et laide, frappait à la porte de la loge. Elle tenait dans ses bras quatre pains de formes différentes.

« C’est la porteuse ! dit Lucie. Encore une nouvelle !

– Ah ! bien, s’écria la concierge, ça n’est point malheureux ! On finira par ne plus venir du tout, de votre maison, apporter le pain aux clients. En voilà une baraque !

– Est-ce que c’est ma faute, à moi ? répliqua la porteuse d’un ton maussade. Je remplace aujourd’hui celle qu’on a fichue à la porte avant-hier et je ne connais pas la clientèle… D’ailleurs, ce n’est plus moi qui viendrai… La patronne cherche une porteuse… Moi, j’ai un autre état. »

Lucie remonta vivement chez elle, ne mit guère qu’un quart d’heure à déjeuner et se rendit à l’hôtel de la rue Murillo.

Mary Harmant depuis quelque temps était plus souffrante. Cet état maladif rendait singulièrement inégal le caractère de la jeune fille. À de violentes crises nerveuses succédaient de longues heures de marasme et d’abattement. En ces moments, elle devenait très douce, se sentant prise de pitié pour toutes les infortunes, et se disait :

« Je suis riche… Je devrais faire du bien autour de moi… »

Elle se trouvait dans cette disposition de bienveillance lorsqu’on lui annonça qu’une jeune fille, envoyée par sa couturière, demandait à la voir. Mary donna l’ordre de faire monter la jeune fille et l’accueillit de l’air le plus gracieux.

« Avez-vous fait des merveilles, mademoiselle Lucie ?

– J’ai fait de mon mieux… Je viens pour l’essayage. »

Lucie étala la robe sur le canapé.