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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/202

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En lisant cette lettre, Paul Harmant avait pâli.

« Ainsi, murmura-t-il, le misérable conduit à sa ruine la maison qu’il a su m’escroquer par le chantage ! L’usine s’écroule, c’est évident. Ovide Soliveau marche à la banqueroute ! Mais comment ?… Ah ! comment ? La passion du jeu explique tout… Bientôt l’usine James Mortimer, l’une des plus puissantes des États-Unis, aura coulé sur le tapis vert. Et au moment où je me croyais débarrassé à tout jamais de ce gredin, il menace de venir me rejoindre et de nouveau il me faudra subir son chantage éhonté. »

Le faux Paul Harmant jeta au feu la lettre de son prétendu cousin et se remit au travail ; mais les plus sombres préoccupations assiégeaient son esprit.

Mary, ce jour-là, avait été plus matinale que son père. Elle fit sa toilette rapidement, quitta son appartement, sonna le valet de chambre et lui dit :

« La personne qui s’est présentée ici hier matin avec une lettre de M. Darier reviendra aujourd’hui à neuf heures et demie, pour voir mon père. Vous l’amènerez auprès de moi. »

Mary se rendit au salon. Au lieu de s’asseoir au coin du feu, elle se tint debout à côté d’une fenêtre d’où l’on voyait la grille et la petite porte donnant sur la rue. Il lui semblait qu’un siècle la séparait encore du moment où cette porte s’ouvrirait pour laisser entrer Lucien Labroue.

La demie après neuf heures sonna. Presque en même temps résonna le coup de timbre annonçant une visite. La fille de Paul Harmant avait porté la main à son cœur, où le sang affluait. Une quinte de toux violente lui déchira la poitrine. Lucien entra et le valet de chambre referma la porte derrière lui. Mary dit d’une voix mal affermie :

« Mon père est de retour, monsieur Lucien ; je pourrai tout à l’heure vous présenter à lui.

– Lui avez-vous déjà parlé de moi, mademoiselle ? demanda le fils de Jules Labroue.

– Non… Je me suis assurée seulement qu’il n’a choisi personne pour l’emploi que vous convoitez… J’ai voulu