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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/213

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comme ce même jour avait tressailli le faux Paul Harmant.

« Votre père habitait Alfortville ? demanda-t-elle au jeune homme d’une voix désespérée.

– Oui, maman Lison.

– Comme se nommait-il, votre père ?

– Il se nommait Jules Labroue, et il est mort assassiné, il y a vingt et un ans, dans son usine en feu. »

Jeanne sentit ses jambes fléchir et se dérober sous elle. Une formidable épouvante s’emparait de son âme. Elle, innocente, mais condamnée pour le triple crime d’incendie, de vol et d’assassinat ; elle, évadée de Clermont, se trouvait en face du fils de Jules Labroue, « sa victime », d’après la justice.

« Est-ce que vous avez entendu parler de cette mort ? reprit Lucien.

– Oui… répondit la porteuse de pain.

– Une femme a été condamnée… vous en souvenez-vous ?

– Je m’en souviens…

– Cette malheureuse était-elle criminelle ? N’a-t-elle pas été victime d’une terrible erreur judiciaire ? Il y a pour moi une énigme.

– Croyez-vous à l’innocence de la condamnée ?

– Je ne crois rien… je doute… et je douterai jusqu’au jour où je rencontrerai l’homme qu’on affirme avoir péri victime de son dévouement, mais, qui, selon moi, a joué une comédie infâme pour se donner le moyen de fuir et, par conséquent, de jouir en paix de la fortune volée… »

Jeanne faillit se trahir. Elle sentait sur ses lèvres le nom de Jacques Garaud prêt à s’en échapper, mais elle eut la force de se dominer et de se taire. Il ne suffisait pas d’affirmer son innocence, il fallait la prouver. Néanmoins, elle venait d’éprouver une joie immense, inattendue, inespérée… Le fils de sa prétendue victime ne la croyait point criminelle.

Après une ou deux minutes de silence, Jeanne demanda :