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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/231

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coffre-fort placé entre les deux fenêtres, lui tournait le dos. Au bruit des pas de l’arrivant il se retourna et, devenu pâle tout à coup, poussa un cri de stupeur et d’effroi en voyant en face de lui Ovide Soliveau, campé sur ses jambes écartées.

« Bonjour, cousin… Ça va bien ? dit le Dijonnais.

– Toi ! toi ici ! s’écria Jacques Garaud.

– Moi-même, cousin, en personne véritable et naturelle… »

Paul Harmant tremblait. La vue d’Ovide le terrifiait. L’arrivée de cet homme à Paris lui semblait le présage d’une catastrophe, d’un effondrement. Au bout de quelques secondes, il parvint cependant à secouer son émotion et, marchant vers le visiteur, il lui tendit la main.

« Pourquoi es-tu revenu en France ?

– Parce que je ne pouvais pas rester là-bas.

– Pourquoi es-tu ici ?

– Pour te demander du travail, parbleu !

– Ainsi ta lettre disait vrai ?… La maison que je t’ai laissée florissante…

– A dégringolé avec une étonnante vitesse, et ne m’appartient plus aujourd’hui. Je n’avais pas comme toi les qualités qu’il faut pour mener une si grosse affaire. Celle-là m’écrasait.

– De plus, tu étais joueur.

– De plus, j’étais joueur, comme tu le dis. Une guigne persistante, invraisemblable ! Je suis parti de New York avec juste le prix de mon voyage en seconde classe. Je ne possède à l’heure qu’il est rien que vingt sous dans ma poche et les vêtements qui sont sur mon dos. Je m’en moque pas mal. Je suis bien tranquille sur mon sort. Si je suis pauvre, tu es riche. Tu emploies un personnel considérable et, ici comme en Amérique, tu auras une petite place pour ton bon cousin que tu aimes tant et qui te le rend si bien !… »

Le millionnaire frissonna de la tête aux pieds.

« Une place ici… dans l’usine… impossible !

– Pourquoi donc ? demanda Ovide du ton le plus agressif.

– Parce que je ne le veux pas… répliqua brusque-