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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/236

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Jacques Garaud frissonna de tout son corps.

« Lucien Labroue, n’est-ce pas ? s’écria-t-il.

– Tu le savais ? balbutia Mary en cachant sa figure.

– Je l’avais deviné.

– Eh bien, oui, c’est lui que j’aime… plus que tout au monde excepté toi, et que j’aimerai toujours. »

Paul Harmant était devenu aussi pâle que sa fille.

« Mais, répliqua-t-il, cet amour est insensé !…

– Oh ! ne me dis pas cela ! reprit la jeune fille dont les sanglots éclatèrent. Pourquoi serait-il insensé, cet amour ? Lucien Labroue est pauvre, et nous sommes riches, c’est vrai. Mais qu’importe cela ? Lucien a le talent, le courage, la volonté, par conséquent l’avenir. Je l’aime !… Père, tu ne veux pas que je te quitte. Eh bien, avec Lucien devenu ton associé, je resterais sans cesse auprès de toi. Tu aurais deux enfants au lieu d’un, voilà tout. Est-ce que ce ne serait pas bon ? – Père, m’aimes-tu ? reprit la jeune fille.

– Si je t’aime, mon enfant adorée ! »

Et l’assassin de Jules Labroue pressa Mary contre son cœur avec une effusion de paternelle tendresse.

« Alors père, tu ne voudrais pas me voir mourir ?

– Je donnerai ma vie pour sauver la tienne.

– Il ne s’agit pas de donner ta vie, mais seulement d’accepter Lucien pour fils. Si tu veux bien, je suis sûre que ma santé va renaître. Si tu refuses… ah ! père, c’est toi qui m’auras tuée. Refuses-tu ? »

Paul Harmant prit sa tête entre ses deux mains.

« Ma fille bien-aimée, ne me demande pas cela.

– Pourquoi ?

– Lucien Labroue ne peut être ton mari.

– Je n’en veux pas d’autre que lui… »

L’enfant, d’une voix faible, prononça ces mots :

« Je n’oublierai pas, je mourrai ! »

Et elle s’abattit sur le dossier de son siège, évanouie. Paul Harmant, éperdu, se précipita à ses genoux.

« Mary… ma bien-aimée Mary, s’écria-t-il. J’accepte le sacrifice… Entends-moi, réponds-moi… Tu seras sa femme… »