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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/257

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– Nous étions porte à porte… ajouta Lucie, et quand on est porte à porte, on cause, on devient bons amis.

– Bons amis ! répéta d’un ton sec la fille du millionnaire, qui maintenant comprenait, et dont l’orgueil se révoltait à la pensée d’avoir pour rivale heureuse une petite fille comme Lucie.

– Nous nous sommes aimés comme s’aiment une honnête fille et un garçon loyal, qui doivent se marier un jour », continua Lucie.

Lucien se rendait compte à merveille de ce que Mary devait souffrir, et il se trouvait au supplice… Mais, que pouvait-il ? Il aimait Lucie et non Mary. L’ouvrière vit la visiteuse chanceler.

« Bon Dieu ; qu’avez-vous, mademoiselle ? Vous voilà toute pâle… Vous semblez souffrante… »

Cette fois encore Mary puisa dans son orgueil l’énergie nécessaire pour triompher de sa défaillance.

« Non… non… dit-elle. Ce n’est rien… Je voulais vous voir. Maintenant, adieu… Je retourne à l’hôtel… »

Puis dit à Lucien :

« Mlle Lucie m’avait parlé d’une surprise. La surprise a été grande, en effet, et mon père ne sera pas moins étonné que moi quand il saura ce que je viens d’apprendre. »

Déjà Mary se dirigeait vers la porte. Au moment de l’atteindre elle s’arrêta, revint sur ses pas et demanda :

« Ainsi donc vous allez vous marier bientôt ?

– J’ai dit à monsieur votre père tout ce que je pouvais et devais lui dire à ce sujet, mademoiselle, répliqua Lucien.

– Vous avez parlé de vos projets à mon père ! fit Mary stupéfaite. Quand cela ?

– Avant-hier.

– Ah ! c’est bien ! Je vous souhaite à tous les deux un long avenir de bonheur. Que cela ne vous empêche pas de travailler pour moi, Lucie. Je compte sur votre exactitude. Maintenant, adieu !…

– Vous semblez fatiguée, mademoiselle. Voulez-vous me permettre de vous reconduire à votre voiture ?

– Non, non, vous me désobligeriez en le faisant.