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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/260

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« Mary, s’écria-t-il, calme-toi, je t’en supplie. Ne me désespère pas ainsi. Si je t’ai menti, c’est que je ne me sentais point la force de te voir souffrir et pleurer…

– Vous saviez qu’il aimait quelqu’un ?

– Il me l’avait dit, et je lui avais, moi, laissé comprendre que ton cœur te poussait vers lui. J’avais établi la comparaison entre toi et celle qu’il épouserait sans fortune. J’avais fait briller à ses yeux l’avenir. Je l’avais supplié de réfléchir. Je comptais, je compte encore le convaincre, l’empêcher de perdre sa vie, et j’espère bien l’amener à tes pieds, prêt à t’aimer et à te donner le bonheur.

– Le bonheur ! Il n’en est plus pour moi.

– Si je te jurais que tu seras sa femme, me croirais-tu ?

– Non… répondit-elle. Je ne peux plus te croire.

– Ne doute plus de ma parole ! j’affirme que Lucien t’épousera et qu’il t’aimera ! »

Mary se jeta dans les bras de son père.

« Oh ! fais cela ! fais cela ! bégaya-t-elle ; en le faisant tu m’auras sauvée. Mais tu ne pourras pas… C’est elle qu’il aime !

– Qui est celle dont tu parles ?

– Lucie… Une couturière aux gages de ma tailleuse, une fille de rien, une enfant trouvée.

– Enfant trouvée… Donc elle n’a ni père, ni mère ?

– Ni père, ni mère, ni nom de famille ! Au lieu de nom, un numéro. Le numéro 9, inscrit sur les registres de l’hospice ! Et c’est cette créature qu’il aime !

– Non, mon enfant, il ne l’aime pas… il ne peut l’aimer. Lucien, comme tous les jeunes gens, a une maîtresse.

– Ah ! s’écria Mary le visage contracté, les yeux pleins d’éclairs. Ah ! que je la hais, cette enfant de l’hospice !… Elle m’a pris mes joies, mon bonheur ! Elle m’a tout pris ! »

Mary était en ce moment dans un état d’exaspération qui la défigurait complètement. Les veines de son front se gonflaient ; ses lèvres devenaient violettes. La vio-