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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/271

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« Votre patronne a beaucoup d’ouvrières en ville ?

– Non, répondit l’essayeuse. Elle n’aime pas cela. Elle en a par exception qu’elle tient à conserver. Ainsi Lucie…

– Qui ça, Lucie ? interrompit Ovide.

– L’ouvrière chez qui je vais.

– Une jeune fille !

– Oui.

– Jolie ?

– Ni belle, ni laide, mais bête comme une pintade et poseuse comme on ne l’est pas ! elle est très habile, il faut lui rendre cette justice. Ainsi voilà une robe de bal qu’il faut aller essayer après-demain à la Garenne-Colombes, et qui doit être livrée samedi, sans faute, à neuf heures du soir. Eh bien, elle sera finie à l’heure précise.

– À la Garenne-Colombes, une robe de bal ! fit Soliveau.

– C’est pour la femme du maire qui est invitée chez le préfet de la Seine.

– Cette demoiselle est obligée d’aller si loin ?

– Avec le chemin de fer, ce n’est pas plus loin qu’autre chose. On prend le train à la gare Saint-Lazare. On descend à Bois-Colombes ; on traverse la ligne du chemin de fer de Versailles, et on suit, le long de la voie, un chemin qui conduit juste en face de la maison de M. le maire, route de Paris. C’est une jolie promenade en plein jour, mais pas la nuit.

– Vous avez donc suivi ce chemin la nuit, ma poulette ?

– Oui, une fois, avec Lucie. Nous étions allées porter à cette dame une robe de soirée, et il fallait qu’elle s’habillât devant nous afin de voir si rien ne clochait. Elle est minutieuse, cette cliente ! Elle nous a tenues jusqu’à dix heures passées.

– Vous avez dû reprendre le train à Bois-Colombes ?

– Oui, à minuit six minutes.

– Ça manquait en effet de gaieté de revenir si tard par des petits sentiers déserts ! Je suis sûr que vous aviez peur !

– Nous tremblions toutes les deux comme la feuille.