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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/290

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travers champs. Jeanne aperçut le misérable qui détalait.

« Tenez, madame, reprit-elle en tendant le bras vers l’ombre encore distincte. C’est un homme… un homme qui nous a vues, et qui se sauve… On a commis un crime près d’ici… Ce que j’ai entendu était bien un cri d’agonie… »

Et la porteuse de pain se mit à courir en avant. Tout en courant, Jeanne avait l’oreille au guet. Elle arriva près du bouquet d’arbres, à l’endroit où s’était passé le drame. Là, elle fit halte en frissonnant. Sur le sol, à ses pieds, elle voyait un corps étendu. Elle se pencha précipitamment et ses doigts rencontrèrent le carton vide que Lucie avait laissé s’échapper de ses mains. En ce moment, un frisson nerveux secoua son corps. Elle se souvenait que, la veille, Lucie, rencontrée sur ce même chemin, lui avait dit qu’elle devait le lendemain soir, venir livrer une robe à la Garenne-Colombes… Une peur panique s’empara de Jeanne… À demi folle, la porteuse de pain approcha son visage de celui du corps immobile dont elle souleva la tête. Un sourd gémissement s’échappa de ses lèvres. Elle reconnaissait Lucie.

« Qu’y a-t-il donc ? lui demanda Mme Lebret la rejoignant.

– Un crime… Je vous le disais bien… Elle est morte. Lucie !… chère Lucie !… pauvre enfant !… »

Mme Lebret et sa bonne, prises d’épouvante, tremblaient sur leurs jambes.

« Vous connaissez cette malheureuse ? » reprit la dame.

Jeanne ne l’entendit pas. Elle soulevait le corps inerte. Soudain, elle sentit une humidité chaude sur ses doigts.

« Son sang coule… balbutia-t-elle. Son cœur bat ! Elle est vivante encore !… »

La porteuse de pain ajouta, en s’adressant à Mme Lebret :

« Votre fille vous attend… Partez vite !… Mais prévenez à la gare de Bois-Colombes, afin qu’on envoie quelqu’un ici pour m’aider à sauver cette pauvre enfant.