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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/30

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– Oui, monsieur. »

Jacques se retira. Le garçon de bureau n’était pas rentré.

Le contremaître alla lui-même à la loge de Jeanne.

« Madame Fortier, lui dit-il, le patron vous demande. »

La jeune femme se mit à trembler.

« Il vous a parlé de moi, n’est-ce pas ? balbutia-t-elle.

– Oui. Il va vous gronder sérieusement. Vous le connaissez, il a bon cœur, mais il est parfois brutal. Laissez-le dire sans lui répondre. Quoiqu’il arrive, songez que vous avez en moi un ami absolument dévoué.

– Advienne que pourra ! répliqua la jeune veuve. J’ai la conscience tranquille. Mais qui gardera ma loge ?

– Fermez tout bonnement la porte. Votre absence ne sera pas longue. Moi, je retourne aux ateliers. »

Jacques semblait préoccupé. Il traversa les ateliers et entra dans une pièce, spécialement affectée à son usage. Là, il se laissa tomber sur une chaise.

« Certes, murmurait-il, le patron ne se trompe pas ! C’est une fortune ! Ce que je cherchais, il l’a trouvé ! Si cette invention m’appartenait, ce ne serait pas cent, deux cent, trois cent mille francs que je gagnerais, mais des millions ! Oui, des millions. Mais il faudrait de l’argent pour louer des ateliers, pour les outiller, pour faire construire. Et je n’ai rien ! »

Après un silence Jacques poursuivit, en serrant les poings :

« Ah ! la tentation est forte ! Quinze pour cent… vingt pour cent… qu’est-ce cela, quand je pourrais avoir tout ! Je serais riche alors et Jeanne ne refuserait plus de m’entendre ! Le patron est irrité contre elle. Je voudrais qu’il la rudoie, qu’il la chasse ! Elle se trouverait sur le pavé, sans ressources pour elle et pour ses deux enfants. Il lui faudrait bien venir à moi !… »

Jeanne Fortier, en proie à un trouble facile à comprendre, avait franchi le seuil du pavillon où se trouvait le cabinet de M. Labroue. Elle frappa d’une main tremblante.

« Entrez », cria M. Labroue. La jeune femme entra et d’une voix étranglée balbutia :