Aller au contenu

Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Ta-ra-ta-ta ! Je vous donne jusqu’à demain. Si demain soir je n’ai pas les mille francs que je vous ai prêtés en croyant sérieux l’aval de garantie de votre oncle et sa signature agréablement imitée par vous, je porterai les pièces au procureur de la République… et en route pour la cour d’assises ! »

Et le créancier furieux sortit comme il était entré. Le jeune employé cacha sa figure dans ses mains. À travers ses doigts on voyait couler des larmes.

« Pardonnez-moi, dit Ovide, d’avoir été le témoin involontaire d’une scène pénible… »

L’employé releva la tête et répondit en pleurant :

« C’est une juste punition, monsieur… L’homme que vous venez de voir est un gros marchand de Joigny, en rapport avec mon oncle pour le commerce des vins… L’année dernière, j’avais une maîtresse que j’aimais comme un fou, et je n’avais ni argent ni crédit. Je fis deux billets sur lesquels je traçais un aval de garantie en imitant l’écriture et la signature de mon oncle et je les portai à cet homme. Il les escompta. Quand arriva l’échéance, je ne pouvais payer. J’allai trouver l’escompteur qui se préparait à envoyer les traites à mon oncle et mourant de honte, je lui fis un aveu complet, accompagné de telles promesses qu’il voulut bien m’accorder six mois. J’espérais pouvoir m’acquitter. Vaine espérance… je ne peux pas !… Vous avez entendu cet homme le dire, il me perdra. Oh ! pourquoi n’ai-je pas eu la force de résister aux obsessions de la femme qui m’a conduit au mal !

– Peut-être la voyez-vous encore cette femme ?

– Non, monsieur.

– Vous avez cessé de l’aimer ?

– Ce n’est pas cela. Elle m’a fermé sa porte.

– Et c’est pour cette créature que vous avez risqué le bagne.

– Monsieur, j’étais fou d’elle.

– Bref, c’est mille francs qu’il vous faudrait ?

– Mille francs, plus les intérêts de six mois. Je n’ai qu’à choisir entre deux partis à prendre… Me jeter à l’eau ou attendre les gendarmes qui viendront m’arrêter…