Lorsque le garçon chargé du service eut apporté le café, Ovide tira son portefeuille, le posa sur la table et l’ouvrit.
« C’est deux mille francs que vous devez, n’est-ce pas ? dit-il à Duchemin. Eh bien, les voici. Nous sommes quittes.
– Monsieur, apprenez-moi au moins le nom de mon sauveur…
– Je suis le baron Arnold de Reiss. »
L’employé tenait les billets de banque à la main ; il les regardait et, maintenant, son attitude exprimait la gêne.
« Auriez-vous quelque chose à me demander ? lui dit Ovide.
– Eh bien, oui. Je voulais vous prier de me donner les traites que vous a restituées le sieur Petitjean.
– Je les ai brûlées, répliqua Soliveau. Vous comprenez qu’on ne garde pas ces choses-là ! »
Ovide se leva.
« Je regagne Paris. Nous allons nous quitter. Je ne vous dis pas : Adieu ! monsieur Duchemin. Nous nous retrouverons peut-être un jour…
– J’en serais charmé, monsieur.
– Et moi de même ; aussi je vous dis : Au revoir ! »
À cinq heures du soir, Ovide arrivait à Paris. Le Dijonnais remit au lendemain sa visite à son pseudo-cousin et se fit conduire à son logis de l’avenue de Clichy, où il changea de costume et se donna l’apparence du baron Arnold de Reiss.
« C’est chose utile, pensa-t-il, de prévoir. Je crois prudent de faire connaître aux gens qui pourraient me menacer un jour que j’ai contre eux des armes terribles. Je dînerai ce soir avec Amanda. »
Ovide se rendit rue Saint-Honoré un peu avant l’heure de la sortie des ouvrières de Mme Augustine. Amanda, qui croyait à une rupture, poussa un cri de joie en voyant Arnold.
« C’est vous, mon ami ! c’est vous, enfin ! s’écria-t-elle.
– Pensiez-vous donc ne plus me revoir, ma poulette ?
– Votre brusque départ me semblait un peu louche, je l’avoue, et votre silence plus louche encore.