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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/325

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« On n’en a pas vendu depuis que j’ai vendu celui-ci.

– À quelle époque ? »

La coutelière cita une date fixe.

« Juste la veille du jour où le crime a été commis ! s’écria le chef de la Sûreté. Avez-vous oublié quel était votre acquéreur ?

– Nullement ; c’était un monsieur.

– Un monsieur ! répétèrent à la fois les deux hommes.

– Oui, un vrai monsieur, et très bien mis, ma foi. Il est entré dans la boutique ; il pouvait être entre huit et neuf heures du soir. Il m’a demandé un couteau de cuisine pareil à ceux dont les bouchers se servent pour désosser leur viande (ce sont ses propres expressions), quelque chose de très solide.

– Pourriez-vous me donner le signalement exact de ce personnage ?

– Oh ! impossible. Je crois bien qu’il pouvait avoir aux alentours de cinquante ans. Il grisonnait. Tenue soignée, je vous le répète. J’ai remarqué qu’il était ganté juste, comme un homme coquet. Il s’exprimait fort bien. »

Les magistrats se regardèrent, déconfits. Évidemment, le client de passage dont la coutelière venait d’esquisser le portrait ne pouvait être le meurtrier de la jeune ouvrière.

« Qui sait ? fit le chef de la Sûreté, il y a des choses si bizarres… »

Le juge d’instruction parut réfléchir pendant un instant, mais il ne dit mot, et après avoir remercié la coutelière il quitta le magasin avec son compagnon. Une fois sur le quai, il demanda au chef de la Sûreté :

« C’est là que demeure Melle Lucie ?

– Oui, monsieur.

– Eh bien, nous sommes tout portés. Montons chez elle. »

L’ouvrière, bien faible encore, reconnut le juge d’instruction et se leva pour le recevoir.

« Restez assise, ma chère enfant, lui dit-il.

– Auriez-vous découvert mon agresseur ? demanda Lucie.