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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/340

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« Mon Dieu, mademoiselle, dit-il, permettez-moi de vous faire observer que j’ai quelques amis qui me sont très dévoués et à qui je rends cordialement leur affection. Pour entretenir avec eux des rapports auxquels je tiens beaucoup, je n’ai que le dimanche. Si je dispose de ce jour unique, je ne pourrai plus voir mes camarades d’enfance, et par cela même j’encourrai leurs reproches et les miens… »

Un nuage passait sur le front de Mary ; son cœur, mordu par la jalousie, se mettait à battre avec violence.

« Alors, monsieur, balbutia la pauvre enfant d’une voix basse et brisée, alors, c’est un refus ?… »

Paul Harmant sentit l’effet que les paroles du jeune homme venaient de produire sur sa fille. Il voulut l’atténuer.

« Lucien ne te refuse pas, ma chérie, dit-il vivement ; il te soumet une objection qui me paraît absolument juste. L’amitié impose des devoirs. Sa liberté d’action n’étant point entravée, il nous reviendra avec plus de plaisir. N’est-ce pas, mon cher Lucien ?

– C’est vrai de tout point, oui, monsieur, et Melle Mary le comprendra, je n’en doute pas… »

Mary répliqua d’un ton triste :

« Je comprends que, lorsque je donne mon amitié, je la donne sans partage, prête à faire joyeusement toutes les concessions et tous les sacrifices. Je tâcherai de devenir plus raisonnable, et je saurai me contenter de peu… »

La pitié de Lucien redoublait. Ne sachant que répondre, il garda le silence. Le millionnaire intervint.

« Vous vous entendez à merveille ! dit-il avec entrain. Lucien fera tout ce qui dépendra de lui pour t’être agréable.

– J’espère que Melle Mary n’en doute pas. »

Mary tourna vers Lucien ses grands yeux noyés de larmes. Ils semblaient lui crier :

« Si vous saviez combien je vous aime !… comme il serait bon de vous voir m’aimer ainsi !… » Sous le regard parlant, Lucien se sentit frissonner de