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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/353

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Harmant et sa fille ? Oseriez-vous me répéter leurs mensonges ?

– Ils n’ont point menti. Je vous jure que la barrière est infranchissable. Entre Lucie et moi il y a du sang !

– Du sang ! répéta Jeanne Fortier pétrifiée par la stupeur.

– Oui… J’aime Lucie autant que je l’aimais et plus encore peut-être. En me séparant d’elle je n’écoute que la voix de l’honneur. Hélas ! cette voix me défend d’épouser Lucie.

– Mais pourquoi, enfin, pourquoi ?

– Je ne peux épouser la fille de l’assassin de mon père !… »

Jeanne poussa un cri. Elle appuya ses deux mains sur son cœur comme pour l’empêcher de se rompre. Elle chancelait.

« Que venez-vous de dire ? Prétendez-vous que Lucie soit la fille de la femme condamnée jadis pour avoir assassiné votre père ?

– La fille de Jeanne Fortier… oui…

– La fille de Jeanne Fortier ! cria l’évadée de Clermont. Sa fille ! elle ! Lucie, sa fille ! »

Elle allait dire : MA FILLE ! la raison lui revint assez vite pour l’empêcher de livrer le mystère de sa vie au fils de Jules Labroue, de l’homme qu’on l’accusait d’avoir assassiné.

« Voyons, maman Lison, qu’avez-vous ? demanda Lucien, stupéfait d’une si violente émotion.

– La nouvelle que vous venez de m’apprendre m’a causé une telle surprise qu’il m’a semblé sentir ma tête s’égarer… Lucie, la fille de Jeanne Fortier !… Est-ce possible ?

– J’en ai la preuve authentique, indiscutable. La voici. »

Lucien tendit à Jeanne le procès-verbal de dépôt de Lucie à l’hospice des Enfants-Trouvés. Jeanne le lui arracha des mains et le lut avidement.

« C’est ma fille, c’est ma fille… se disait-elle tout bas. Et je ne puis rien dire… rien faire… »