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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/372

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d’Amanda et posa ses doigts sur l’artère. Il souleva ensuite les paupières à moitié closes ; il écarta les lèvres contractées.

Le sang ne s’en échappait plus : une écume blanchâtre le remplaçait. Le docteur regarda fixement Ovide.

« Vous êtes allé en Amérique, n’est-ce pas ? dit-il. Vous connaissez Cuchillino, de New York ? »

Soliveau devint livide en reconnaissant tout à coup le médecin que, vingt et une années auparavant, il avait vu causer avec le vieux Canadien sur le pont du Lord-Maire.

« Oui, monsieur, balbutia-t-il.

– Avez-vous de l’ammoniaque ici ? Il en faut, et vite.

– Vous en aurez dans trois minutes, docteur », fit l’hôtesse.

Et elle s’élança dehors. Dès qu’elle se fut éloignée, le médecin s’approcha d’Ovide et renoua en ces termes l’entretien :

« Non seulement vous avez connu à New York le Canadien Cuchillino, mais encore vous lui avez acheté un flacon du liquide qu’ils nomment, là-bas, la liqueur bavarde. »

Ovide comprit que toute dénégation serait superflue. En conséquence, il répondit affirmativement.

« Vous aviez le désir de savoir ce que pensait cette jeune femme, poursuivit le docteur en désignant Amanda, et vous avez employé la liqueur canadienne.

– Je ne le nie point, mais mes motifs étaient légitimes.

– Ces motifs m’importent peu, interrompit le médecin. Le fait existe, voilà tout, et il est heureux que vous m’ayez trouvé sur votre passage, car, en exagérant la dose, vous avez mis cette malheureuse à deux doigts de la mort ! »

En ce moment l’hôtesse apparut. Le docteur Richard prit le flacon d’alcali qu’elle apportait, et laissa tomber dix gouttes de son contenu dans un verre plein d’eau. Il s’agenouilla à côté d’Amanda à qui il fit absorber une gorgée du mélange d’eau et d’ammoniaque. L’effet produit fut instantané ; le corps devint absolument inerte.