– Au troisième, la porte à… » commença la concierge.
Un coup de coude de son mari lui coupa la parole.
« M. Labroue est en voyage, dit l’homme d’un ton sec.
– En voyage ! répéta la jeune fille ; pour longtemps ?
– Nous n’en savons rien. »
Lucie courba la tête et elle sortit.
« Ah ! ça, tête de linotte, tu ne te souvenais donc plus des recommandations de M. Lucien ! » s’écria le concierge, quand il se retrouva seul avec sa femme. « Qui que ce soit qui vienne me demander, si c’est une femme, qu’elle soit jeune ou vieille, n’oubliez pas de répondre que je suis en voyage. » C’est clair ça, hein ? »
Lucie traversait lentement la chaussée. Avant de s’éloigner, la jeune fille s’arrêta sur le trottoir, de l’autre côté de la rue ; elle leva ses regards vers les fenêtres du logement de Lucien. Soudain elle tressaillit. Elle venait d’apercevoir de la lumière chez son fiancé.
« Ah ! Lucien est chez lui… Pourquoi ce mensonge ? »
Elle traversa la rue et rentra dans la maison. Le concierge sortait de sa loge. Il reconnut la jeune fille.
« Comment, c’est encore vous ! dit-il en lui barrant le passage.
– Oui, c’est moi. Vous m’avez trompée ; M. Labroue n’est point en voyage. M. Labroue est chez lui.
– Décidément, mam’zelle, vous êtes un peu folle !
– À qui croyez-vous donc parler, monsieur ?
– À qui je crois parler ? fit l’homme en ricanant. Parbleu, à vous ! On avait votre signalement. Défense expresse de vous laisser passer ! Ah ! vous avez vu la lumière. Eh bien, oui, M. Labroue est chez lui, mais il ne veut pas vous recevoir.
– Ainsi, c’est moi que vous avait signalée M. Labroue ? C’est pour moi que la consigne est donnée ?
– Mon Dieu, oui ; et vous voyez que je l’exécute… »
Lucie sortit en chancelant. Le coup que Lucie venait de recevoir était le plus terrible de tous. Lucien avait pris soin de la désigner ; il avait défendu qu’on la laissât arriver jusqu’à lui. C’était monstrueux, mais cela était.