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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/377

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– Je ne crois rien, mon enfant, balbutia Jeanne Fortier.

– Lucien savait qui j’étais, n’est-ce pas ? Une orpheline, une enfant trouvée, ne possédant pour vivre que mon travail, mais pouvant porter haut la tête. Cela lui suffisait autrefois. Pourquoi cela ne lui suffit-il plus aujourd’hui ? Voilà ce que je veux savoir, et je le saurai. Encore une fois, je verrai Lucien.

– Non, vous ne le reverrez pas, Lucie ! s’écria Jeanne que l’émotion suffoquait ; je vous le demande à genoux…

– Mais vous savez donc, vous, pourquoi il m’abandonne ?

– Ne cherchez point à connaître ce terrible secret, mon enfant.

– Vous le connaissez donc ? Comment ?

– J’ai vu Lucien…

– Vous l’avez vu et vous ne me l’aviez pas dit !

– Je voulais vous épargner une douleur !

– M’épargner une douleur ! À quoi bon ? Ne me ménagez pas ! Est-ce par ma faute si Lucien s’est éloigné de moi ?

– Non, et jamais un soupçon ne vous a effleurée. Si Lucien s’éloigne de vous, c’est que votre mariage est impossible.

– Impossible ! Une seule cause pourrait le rendre impossible : Mon indignité ! et je ne suis pas indigne. Que signifie cela. Ceux qui m’ont mise au monde ont-ils commis des crimes ? Mon père était-il infâme ? Dois-je porter la peine de son infamie ?

– Mon enfant, taisez-vous ! bégaya Jeanne, tendant vers Lucie ses mains suppliantes. N’accusez pas votre père !

– Qui donc accuserais-je ? Si je blasphème en accusant mon père, c’est donc de ma mère que vient la honte ! »

Jeanne frissonnait de la tête aux pieds. Elle aurait voulu crier à son enfant : « Ta mère, c’est moi ! et voilà ce que je suis ! » Mais c’est impossible. Il ne suffirait point d’affirmer son innocence, il faudrait la prouver, et comment faire cette preuve ?