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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/394

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en regardant fixement son ennemie. Non contente de me voler celui que j’aime, vous me faites chasser ! Après avoir détruit ma joie, vous m’enlevez mon pain ! Partout où je me présenterai, à cette heure, on me demandera où j’ai travaillé… Je nommerai Mme Augustine… et Mme Augustine, questionnée, répondra : « Ne prenez pas cette jeune fille, sa mère a été condamnée pour vol, pour incendie, pour assassinat !… »

– Lucie, murmura la couturière, émue.

– Ah ! madame, reprît l’ouvrière en éclatant en sanglots, vous avez été cruelle pour qui ne le méritait pas. Mais je vous pardonne de tout mon cœur… Quand à vous, ajouta-t-elle en se tournant vers Mary, Dieu se chargera de vous punir ! »

Et, après avoir prononcé ces paroles, elle sortit. Tandis que se passaient ces faits que nous venons de narrer, Georges Darier, portant une serviette d’avocat bourrée de dossiers, sortait de sa maison. Il paraissait affairé. Tout en s’éloignant, Georges ne s’aperçut pas qu’une enveloppe épaisse venait de s’échapper de sa serviette et de tomber derrière lui sur le trottoir de l’Institut.

À ce moment, Jeanne Fortier, la porteuse de pain, débouchant de la rue de Seine et traversant la voûte de l’Institut qui conduit au quai, aperçut le paquet perdu par le jeune avocat ; elle le ramassa. Sur l’enveloppe, Jeanne lut ces mots : « Monsieur Georges Darier, avocat. »

« Georges Darier, se dit-elle, le nom de l’ami de M. Lucien Labroue ? C’est lui qui a perdu cela… Je le lui reporterai. »

Jeanne plaça le petit paquet sur sa poitrine, derrière la bavette de son tablier, puis elle regagna le quai Bourbon. Lucie ne rentra que vers onze heures. Elle avait examiné froidement sa position. Elle venait d’être chassée des ateliers de Mme Augustine ; elle se trouvait sans travail, par conséquent sans ressources. Une douleur poignante l’étreignait au cœur. Un désespoir