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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/395

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immense s’était emparé de son âme. Tout se réunissait pour l’accabler.

Quand Lucie atteignit le quai Bourbon, elle était épuisée. Elle ne pleurait pas ; une fièvre ardente brûlait son sang. Jeanne Fortier l’entendit rentrer et s’empressa de venir la rejoindre dans sa mansarde. En voyant le visage décomposé de sa fille, la porteuse de pain comprit qu’il avait dû se produire quelque chose d’anormal.

« Mon Dieu ! que s’est-il passé ? demanda-t-elle.

– Ah ! c’est le dernier coup, maman Lison ! balbutia Lucie. C’est le dernier coup ! celui qui me tue ! J’ai été chassée comme une misérable… Je suis sans travail… Après tant de souffrance, je vais être sans pain. Je vous le dis, maman Lison, il ne me reste plus qu’à mourir…

– Pourquoi votre patronne vous a-t-elle chassée ?

– Pourquoi ? répliqua Lucie, dont les sanglots éclatèrent avec violence, parce que je suis la fille de Jeanne Fortier. »

Jeanne étouffait. Elle porta ses mains à sa gorge.

« Qui donc lui a révélé cela ? fit-elle d’une voix sifflante.

– Mon ennemie… la fille de l’homme qui a fouillé dans le passé de ma mère pour m’arracher celui que j’aimais… la fille de Paul Harmant, le millionnaire !… »

Lucie fit le récit de ce qui s’était passé dans le salon de Mme Augustine.

« Et ces gens-là ne seraient pas châtiés ? dit Jeanne. Ces misérables auraient le droit de briser une existence, de calomnier une innocente enfant, de la réduire au désespoir ! La calomnie et la diffamation sont des crimes punis par la loi, c’est aux tribunaux qu’il faut s’adresser.

– Comment s’y prendre ?

– Il faut voir un avocat… le consulter… Un avocat… répéta Jeanne, en se souvenant de l’enveloppe trouvée par elle sur le quai, près de l’Institut ; l’ami de M. Lucien Labroue ne se nomme-t-il pas Georges Darier ?

– Oui, ma bonne Lison.

– Savez-vous son adresse ?